Chargée des religions dans le cabinet britannique, et numéro deux du Foreign Office, la ministre britannique Sayeeda Warsi alerte sur la situation des chrétiens d’Orient.
Cette musulmane d’origine pakistanaise, affirme avoir eu des « discussions franches » avec plusieurs ministres pakistanais à ce sujet.
« De plus en plus souvent, la religion est utilisée comme un moyen de
division, de ségrégation, de discrimination et de persécution. Partout dans le
monde, les gens sont pris pour cible et chassé simplement pour la foi qu’ils
suivent ou leurs convictions. Bahaïs, chiites, sunnites et alaouites… Mais aussi
hindous, sikhs, les athées. Mais
aujourd’hui, je veux me concentrer sur une
religion qui souffre particulièrement à la suite des bouleversements que vit le
Moyen-Orient : le christianisme. »
Ainsi s’est ouvert le discours de Sayeeda Warsi, ministre britannique chargé
des religions et également numéro 2 du ministère des affaires étrangères,
vendredi 15 novembre à l’Université de Georgetown, à Washington. Intitulé « Une
réponse internationale à une crise globale », et publié sur le site Internet* de Lady Warsi, il appelle la
communauté internationale à accroître ses efforts en matière de « tolérance
religieuse ».
Sur un ton parfois personnel – racontant son découragement lors d’une visite
en Terre Sainte à la vue « d’églises désertes à Bethléem, là où leur foi est
née » – la jeune ministre de 42 ans a livré un réquisitoire contre les
« persécutions » et « punitions collectives » dont sont victimes
les chrétiens dans plusieurs pays du Moyen-Orient, en particulier en Syrie, au
Pakistan et en Iran.
Pour des raisons diverses, a-t-elle convenu, « guerres civiles, troubles
sociaux et corruption, transition politique, l’autoritarisme ou encore
terrorisme ». Mais très souvent, regrette-t-elle, « la foi est utilisée
en appui de ces autres divisions ». Confronté à « un « exode de masse
(…), il existe un réel danger que le christianisme disparaisse dans certaines
régions », prévient-elle.
* http://sayeedawarsi.com/2013/11/16/an-international-response-to-a-global-crisis-speech-at-georgetown-university-washington-dc/
Pas une menace pour l’identité
Alors que faire ? Ses nombreux voyages à l’étranger ont évidemment montré à
la jeune ministre l’insuffisance des lois – « certains des États les plus
répressifs au monde garantissent théoriquement la liberté religieuse dans leurs
constitutions » – elle appelle la communauté internationale à faire de cette
liberté, inscrite à l’article 18 de la Déclaration universelle des droits de
l’homme, la « priorité », « comme l’a fait le gouvernement britannique ».
Témoignant de son expérience personnelle – l’arrivée de sa famille du
Pakistan dans les années 1960, sa vie de « pratiquante d’une religion
minoritaire, l’islam, dans un pays à majorité chrétienne » – celle qui est
devenue en 2010 à la fois chef du parti conservateur et première musulmane
ministre dans un gouvernement britannique en tire une conviction : « On dit
parfois que les sociétés ont besoin de diluer leur foi afin de s’adapter aux
autres. Mon expérience du pluralisme (en Grande-Bretagne) m’a montré le
contraire. Je sais que la présence d’autres religions n’est pas une menace pour
une identité ».
C’est donc au sein des organisations internationales (ONU notamment), dans
ses relations bilatérales ou encore avec les ONG qu’elle tente désormais de
faire reculer l’idée selon laquelle « il y aurait un monde musulman et un
monde chrétien ». Quitte parfois à engager des « conversations très
franches » avec des ministres au Pakistan, comme la jeune femme l’a raconté
sur la radio BBC 4, pour leur rappeler « que les hauts responsables
politiques ont le devoir de dénoncer la persécution et établir une norme pour la
tolérance ». Argument financier
Dans ce combat, elle n’hésite pas à faire valoir l’argument financier.
« Mesdames, messieurs, la persécution est mauvaise pour les affaires !
Protéger les minorités est la bonne chose à faire moralement, mais c’est aussi
la bonne chose à faire socialement, économiquement et politiquement »,
a-t-elle lancé aux Américains venus l’écouter à Washington.
« La recherche universitaire, y compris ici à Georgetown, a prouvé le lien
entre la liberté religieuse et la capacité d’une société à prospérer ».
Enfin, la réponse à cette crise ne doit pas être « elle-même sectaire »,
estime la ministre. « Lorsqu’une bombe explose dans une église pakistanaise,
la nouvelle ne doit pas se répercuter à travers les communautés chrétiennes mais
remuer le monde entier. »
À ses yeux, le « consensus international existe », sous la forme d’une
résolution du Conseil des droits de l’homme sur le traitement des minorités et
la tolérance envers les autres religions. L’enjeu, désormais, est de l’appuyer
sur une « volonté politique », rapporte le quotidien britannique The
Guardian dans l’article qu’il lui a consacré**. « La façon dont une
minorité est traitée après un incident extrémiste est très dépendante de la
tonalité que les politiques ont fixée. Ceux-ci ont donc la responsabilité de
donner le ton, pour marquer les limites juridiques de ce qui sera ou ne sera pas
toléré. » A.-B. H.
** http://www.theguardian.com/world/2013/nov/15/christianity-risk-extinction-persecution-minority-warsi
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